REVOLUTION A VILLELAURE - Chapitre VI

Publié le par Monique du Restouble

 

CHAPITRE VI

 

UNE ANALYSE POUR CONCLURE

 

            Nous connaissons maintenant les évènements qui se sont déroulés à Villelaure au cours de cette période historique, et nous connaissons les hommes qui ont provoqué ou subi ces évènements.

Comment analyser objectivement, et avec suffisamment de finesse, les préoccupations et les motivations essentielles de la population de ce petit village, confrontée à des problèmes mineurs et spécifiques et qui, de gré ou de force, vont l’entrainer dans le grand bouleversement de La Révolution.

            Comment, avec plus de deux siècles de recul, retrouver « la philosophie du berger », en faisant abstraction de toutes nos connaissances scolaires ou culturelles qui peuvent dévier notre raisonnement ? Les documents archivés ne sont que la mémoire officielle de l’époque, emmagasinée par un quelconque greffier. La tradition orale est perdue depuis plusieurs générations, et aucune lettre ou pensée individuelle n’a pût parvenir car ces gens ne savent pas écrire, et ne parlent pas le français. Dans l’histoire qui nous intéresse, nous retrouvons l’expression du mécontentement populaire avec ce que l’on peut appeler une lutte de classes : d’une part Les Forbin, intransigeants, préoccupés de leurs intérêts matériels et du maintien de leurs privilèges ; D’autre part, les roturiers, bien décidés à se débarrasser des droits seigneuriaux, ce qui de toute façon doit leur procurer une amélioration immédiate de leur « niveau de vie ».

Au cours de ces années révolutionnaires, et jugée par rapport aux valeurs civiques d’aujourd’hui, la conduite de Michel Palamède de Forbin fut exécrable. Mais certainement son point de vue est tout différent : Il est noble avant d’être français, (il est d’ailleurs naturalisé palatin), il sert son roi avant de servir la France, surtout si la France est l’ennemi de SON Roi !

            Le patriotisme attaché à l’idée de Nation n’existe pas avant la Révolution. C’est la défense des idées révolutionnaires, le maintien des droits à la liberté et à l’égalité nouvellement conquis qui vont mobiliser le peuple, le rendre patriote au sens actuel. Le paysan provençal qui jusqu’en 90 ne se considère pas comme français, va le devenir parce que la nouvelle constitution de la France lui apporte ce qu’il attend.

            Statistiquement, le nombre des enrôlements dans la garde nationale et la réponse des volontaires de l’An II, montrent clairement que les Villelauriens n’ont pas failli à leur devoir, tout au moins dans les premières années de la Révolution. La lassitude et l’abandon de cette combativité ne se sont manifestés qu’après le 9 Thermidor, peut-être à la suite des excès de la terreur blanche dans la région.

Face à la justice, (on pourrait dire LES injustices), le comportement « révolutionnaire villelaurien » est plus compréhensible. Le Seigneur, dès 1511, conne à ses sujets des droits sur une terre, et l’exploitation de cette terre présente pour eux-mêmes et leurs familles un caractère vital. Deux siècles plus tard, la justice démontre que ce bien n’était pas au seigneur, mais à la commune voisine. Le paysan est en quelque sorte un recéleur. Alors le Seigneur rachète cette terre, mais la garde pour son profit, nonobstant la parole de ses ancêtres, et la justice donne raison au « parjure ». Grâce aux lois républicaines, tout semble rentrer dans l’ordre, et c’est la conscience bien tranquille que la communauté partage LES PRADAS. On constate au passage que très honnêtement on s’en tient à l’accord du tribunal en respectant les propriétés de « l’émigré ». Tout bascule en 1802 : le Seigneur récupère « son bien », et fait condamner la Communauté. Le paysan ne peut que constater la versatilité de la justice…

            Comme dans toute la France rurale, le paysan villelaurien voudrait bien disposer de « sa terre », logiquement, en toute légalité. La Révolution de 1789 ne lui apportera pas cette satisfaction. Le « Marquis » gardera ses terres encore longtemps, et quand il les vendra, le paysanne pourra pas les acheter, mais ceci est une autre histoire…

            Avec ces siècles de recul, on voit que dans le Villelaure de cette époque le climat est malsain, propice à l’émeute, et pourtant il ne s’est rien produit de grave. On peut penser que la situation sociale et économique dans le village en est la raison principale : le ménager dispose de superficies trop petites pour en tirer la totalité de ses besoins. Il est obligé de se « louer », avec sa femme et ses enfants, dans les exploitations du Marquis. La crainte du chômage lui impose une certaine prudence. (Dans les communes d’alentour, la répartition des sols est plus équilibrée).

Villelaure est un petit village (environ 700 habitants avec les employés du Marquis). Les mouvements de foule sont rares et se maitrisent facilement.

Le Maire, avocat de profession, est partisan de l’ordre et recherche des solutions légales. Il est suivi par des conseillers dont l’âge moyen approche la cinquantaine. (A Paris, Saint-Just, a 25 ans, Danton et Robespierre en ont 35). Les décisions du Conseil sont empreintes d’une certaine sagesse, et reconnues comme telles par les contrôles officiels de toutes tendances. Quel fut le rôle exact du bon curé Rolland ? C’est un vieil homme. Installé à Villelaure depuis 50 ans, il a baptisé et marié la presque totalité de ses ouailles. Son influence morale pèse sur leurs réflexions. Contrairement à beaucoup de ses semblables, il est plus près du peuple que du Marquis, mais sa religion le porte à prêcher la modération. Nous sommes loin des curés de choc de Vendée, ou même d’Avignon.

Et il y a aussi les contraintes du travail des champs : à Villelaure, on n’aurait pas eu le temps de prendre La Bastille un 14 juillet…

            « Terre à terre » la révolution à Villelaure, et on comprend pourquoi.

            Pourtant, cette affaire des pradas est exemplaire. Elle relève des grands acquis de quatre vingt neuf, dans le respect de LA DECLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN qui proclame :

« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé ».

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ».

Aujourd’hui, notre Société reste attachée à ces principes.

 


 


 

 

Publié dans COUP DE COEUR

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